Pourquoi pratiquer du Feldenkrais?

Pour

- améliorer la posture, la respiration, la souplesse et l'équilibre
- soulager les douleurs et tensions musculaires chroniques
- prendre conscience  des habitudes de mouvements qui engendrent des douleurs

et limitent le mouvement
- enrichir et augmenter les compétences artistiques et sportives
- développer le bien-être et l'estime de soi


Prendre conscience de notre corps à travers le mouvement pour l’habiter le mieux possible, pour tirer parti de nos potentiels, tel est l’un des buts vers lequel tend la Méthode Feldenkrais.

 

Cette méthode est une forme particulière d’apprentissage qui prend ses racines dans les sciences occidentales et orientales, la sagesse et le bon sens.

 

Qu'est qu'on dit...

Article du "alternatif bien-être" du juillet 2021:

Les expérimentations d’Emmanuel Duquoc

J’ai testé la méthode Feldenkrais

Peut‐on retrouver une meilleure ergonomie dans notre manière de bouger ? Jusqu’à quel point ? C’est la question à laquelle le physicien, ingénieur et judoka Moshé Feldenkrais tenta de répondre. Par une observation fine et patiente de son propre corps en mouvement, il parvint à se rétablir totalement d’une blessure qui menaçait de le laisser à vie en fauteuil roulant. Aujourd’hui, dans la lignée du découvreur, des personnes du monde entier et de toutes conditions de santé réapprennent à mieux utiliser leur corps, avec des conséquences qui semblent dépasser la seule dimension physique. À force d’en entendre parler, j’ai décidé́ de faire le test...

 

« Levez votre épaule gauche, lentement, et redescendez, faites ce mouvements quelques fois...

Sentez ce qui se passe avec vos appuis, vos côtes, votre sternum...

Jusqu’où sentez-vous l’écho de ce mouvement ?

Notez si votre tête bouge, et si oui de quel côté elle va.

Ne cherchez pas à modifiez, sentez juste ce qui se passe... »

Confortablement allongé au sol sur une couverture surmontée d’un tapis de yoga, mon corps obéit à la voix lente et douce de Christel.

« Faites une pause...

À nouveau, levez votre épaule gauche, suffisamment lentement pour sentir le chemin, comment changent vos appuis, qu’est-ce que vous engagez pour faire ce mouvement ?

Pas trop lentement tout de même pour que le mouvement soit continu... »

Mmh ! Je sens que cette consigne s’adresse plus particulièrement à moi, le débutant. Mon corps suit la consigne. J’accélère à peine, juste ce qu’il faut pour sentir une continuité de mouvement. Et je constate que c’est bien plus agréable que les micropauses que je faisais sans m’en rendre compte dans ma tentative de me mouvoir le plus lentement possible...

L’exact opposé d’une gymnastique

Le confort, nous ne le quitterons jamais au cours de cette heure.

En début de séance, notre initiatrice a veillé à ce que chacun d’entre nous soit suffisamment au chaud, fournissant au besoin des couvertures. Elle a placé des supports en mousse sous une épaule, un genou, une nuque. Tout le monde doit se sentir à son aise, dans une chaleur agréable, un cocon bienfaisant qui ouvrira notre corps à l’exploration de toutes ses possibilités de mouvement.

Rien n’est jamais poussé dans la méthode Feldenkrais, aucun effort physique n’est requis. L’exact opposé d’une gymnastique ou de postures de yoga.

Franchement, je suis curieux de savoir ce que l’on peut bien améliorer physiquement en en faisant si peu ! Comment ouvrir de nouvelles possibilités sans chercher les limites ? Sans rien dépasser ?

Je n’ai jamais vu qu’on gagne en souplesse sans faire d’assouplissements ni en force sans forcer, même un peu... Et pourtant, ma propre sœur n’a pas eu de mots assez enthousiastes pour me décrire ce que cette pratique lui avait fait il y a quelques années. Au fil des séances, elle a vu disparaître plusieurs douleurs chroniques qui avaient résisté à trois ans de pratique assidue du yoga et s’est découvert un goût inédit pour la danse et les mouvements spontanés. Sauf que je n’ai rien compris à ses explications techniques. « Il faut sentir pour comprendre », m’a-t-elle dit...

Les mouvements pratiqués dans la méthode Feldenkrais sont extrêmement doux. Plutôt que de « dépasser les limites du corps » il s’agit de se mettre à son écoute et d’explorer les sensations les plus subtiles.

Alors me voilà parmi trois pratiquantes de la méthode qui ont osé braver la terreur covidienne et se réunir dès la fin du confinement autour de Christel Foucault, ancienne danseuse et diplômée Feldenkrais depuis 1 an. Me sachant béotien, elle a rappelé quelques principes de la méthode à mon intention :

« Je vais guider le mouvement à la voix. Il n’y a pas un mouvement à réussir mais c’est un prétexte à regarder comment les différentes parties du corps coopèrent entre elles et comment tout le corps participe au mouvement. Le jeu, c’est de porter votre attention sur la manière dont vous vous y prenez, sur votre orga- nisation, puis de découvrir éventuellement d’autres possibilités, avec le moins d’effort possible pour le plus “d’effica- cité”... Observez juste. Ne cherchez pas à modifier ou améliorer dans un “vouloir faire bien”. »

Elle fait une pause, regarde le groupe en silence puis ajoute :

« Le but n’est pas non plus d’aller jusqu’au bout du mouvement. Si je propose de lever un bras, l’intention n’est pas que le bras se retrouve en haut, mais qu’il commence le mouvement. »

Derrière ce conseil, il y a l’idée, plutôt que de signaler le bout du mouvement au cerveau, de lui donner le message que le mouvement peut aller plus loin...

Cette approche inédite ouvrirait de nouvelles possibilités à notre corps. Je commence à comprendre pourquoi Christel insiste tant sur le fait d’éviter absolument d’aller dans la douleur. Rien ne doit alerter le cerveau d’une limitation. Le moindre voyant rouge créerait une restriction qui lui ferait perdre le goût d’aller plus loin, d’explorer de nouveaux possibles...

Explorer sans chercher à « dépasser ses limites »

Voilà qui est nouveau dans mon référentiel des techniques internes ! Dans ce que j’ai expérimenté du yoga, on allonge un faisceau musculaire jusqu’à sa limite, signalée par une tension que l’on appelle parfois la « bonne douleur ». Une fois celle-ci atteinte, on y reste, en conscience, tout en expirant doucement... Jusqu’à constater que cette limite recule au fur et à mesure de la pratique. Physiologiquement, le fait de rester installé quelques instants dans cette « bonne douleur » qui n’est pas le signal d’une lésion tissulaire, provoque une sécrétion d’endorphines, ces neuropeptides opioïdes à effet analgésique qui procurent une sensation de bien-être, voire d’euphorie. D’où l’effet anti-stress de la pratique du yoga.

En jouant avec ces mécanismes, les yogis remodèlent leur structure myofasciale, jusqu’à atteindre, à terme, cette souplesse qui étonne les débutants. En d’autres termes, le yogi utilise en partie la physiologie du stress pour détendre et assouplir. Avec Feldenkrais, c’est exactement l’inverse. Plutôt que de dépasser des limitations, on explore des potentialités dans un confort total.

Pour autant, Moshé Feldenkrais ne récusait pas la pertinence d’une intervention active, voire musclée, sur le système neuromusculaire. Toute sa vie durant, il a entretenu un dialogue fructueux avec Ida Rolf, fondatrice du rolfing, cette pratique de remodelage des fascias qui passe par un niveau de douleur certain. Simplement, il a pris d’autres chemins...

Feldenkrais, c’est aussi un peu l’anti- Wim Hof. là où le célèbre escaladeur hollandais adepte de la nage en apnée sous la glace polaire s’est guéri de la dépression et a boosté ses capacités d’adaptation en s’exposant à des conditions d’inconfort extrême, le judoka israélien a soigné ses blessures (voir encadré) en se contentant d’observer, installé le plus confortablement possible, les mouvements que son corps abîmé pouvait faire. Après mes bains glacials hivernaux (voir à ce sujet le n° 173 d’Alternatif Bien-Être), j’expérimente à présent : une heure de gestes mesurés, esquissés, mais dans une hyperconscience à laquelle il me faut tout de même m’employer.

L’exigence est là, mais d’un autre ordre : en faire peu tout en restant vigilant. Simple, non ? Sauf que mon cerveau plus d’une fois hésitera entre la distraction et le sommeil avant de revenir au présent, dans le ressenti du mouvement. « Pas grave », me dira Christel quand je lui ferai part de cet écueil. « Il se passe quand même quelque chose. » Avec Feldenkrais rien n’est grave...

Des amortisseurs sous les pieds

Ma première heure se termine sans que je l’ai vue passer.

Notre instructrice nous invite à nous tourner sur le côté avant de nous lever. Drôle d’impression de ne pas avoir fait grand-chose. Histoire de me dégourdir, j’esquisse un mouvement d’étirement de mes jambes. Anticipant mon intention, elle m’arrête de la voix : « Essayez de ne pas vous étirer tout de suite pour sentir la résonance de la pratique. Ensuite, vous pourrez. » Je me retiens...

Plus tard, elle m’expliquera que l’envie d’étirer les muscles vient d’un besoin d’obtenir des sensations plus fortes que ce que nous avons éprouvé pendant une heure. Une sorte d’addiction. Si nous ne cédons pas tout de suite à cette demande du corps, nous restons plus en conscience de sensations corporelles plus subtiles. Cela prolonge l’effet de la séance et participe à une conscience corporelle plus éveillée.

Je me lève en silence. Invité à faire quelques pas en contact avec mes sensations, j’ai l’impression d’avoir des amortisseurs sous les pieds. Ma démarche est coulée, élastique, étrange... Il me faut découvrir la pratique individuelle.

Christel Foucault en pratique avec une planchette...

Accompagner la tension sans s’y opposer

Cinq jours plus tard, me voici donc dans le cabinet de soins de Christel. Après ma leçon de prise de conscience par le mouvement, place à l’intégration fonctionnelle.

La praticienne m’invite à lui tourner le dos puis à lever le bras comme si je souhaitais atteindre le plafond. Je m’exécute. Elle m’incite alors à le refaire jusqu’à décoller les talons du sol tout en sentant ce que cela fait.

Second essai, en conscience de toutes les zones du corps qui participent au geste.

Ai-je une demande, une problématique à résoudre ? Je lui parle d’une douleur côté gauche, liée à un vieil accident et de mon intention de gagner en amplitude respiratoire. Puis, allongé sur le dos, les yeux fermés, je me laisse aller. Elle mobilise une épaule, comme pour la soulever, mais sans la soulever... Bizarre. On dirait que mon système neuromusculaire hésite ! Doit-il se laisser pénétrer comme lors d’un massage profond ou se soulever à l’incitation de la main ? Je pose la question.

« Il s’agit de laisser faire ce qui se fait, me répond Christel... Tu accompagnes. » C’est subtil, mais je comprends.

Il me faut me laisser entraîner et être attentif à toutes les petites sensations de mouvements induites par ce mouvement. En collectif, la voix était le guide, cette fois, c’est le toucher... Je m’employais à être passif dans l’activité. Maintenant, je reste actif dans la passivité.

La suite est d’un agrément difficile à décrire. Ma soigneuse ne mobilise pas la zone douloureuse, mais toutes les zones autour. C’est un peu un principe avec Feldenkrais : on ne prend pas de front la douleur. On montre plutôt au corps toutes les zones de mobilité autour de celle en restriction. Il ne s’agit pas de contraindre, mais de faire ressentir les espaces de liberté. Un autre principe de l’intégration fonctionnelle est d’accompagner le corps dans ses mouvements instinctifs plutôt que de lui imposer une autre direction censée être meilleure. Autrement dit, ne pas s’opposer à une tension corporelle, mais aller dans son sens. « La prendre en charge à la place du système neuromusculaire », résume Christel. Ainsi, le corps n’aura plus à le faire puisque le praticien le fait pour lui et il pourra se détendre... Logique, non ?

Cette approche, révolutionnaire du temps de Moshé Feldenkrais, est aujourd’hui largement partagée dans de nouvelles formes d’ostéopathie, ou en fasciathérapie.

Pendant une heure, je me laisse mettre en mouvement... L’enjeu est de rester vigilant, dans une conscience aiguisée des micromouvements qui accompagnent le grand mouvement. Une fois ou deux, je m’absente dans mes pensées avant de revenir. Mes mouvements sont devenus un objet de méditation.

Impression de faire plus avec moins

A la fin de la séance, Christel me propose de faire quelques pas. Nouvelles sensations élastiques dans les jambes, comme si je marchais sur un matelas, sans effort. Elle me demande de lever le bras. Je me retrouve sur la pointe des pieds, presque déséquilibré, comme si ma main avait à elle seule entraîné le reste de mon corps. C’est cela la continuité de mouvement chère à Feldenkrais. Pour un temps, me voilà passé du mode séquentiel au mode continu.

De retour à la maison, j’ai l’impression que ma poitrine s’est élargie. Au cours de la soirée, ma respiration est sensiblement plus lente. Cette sensation persistera presque deux jours, avec cette impression de faire plus avec moins... Jusqu’à ce que l’habitude antérieure revienne.

C’est décidé ! Je m’inscris pour deux séances de plus : une collective et une individuelle quelques jours plus tard. À chaque fois, ce sont les mêmes sensations de fluidité, de légèreté, d’aisance et de continuité du mouvement. Et cela dure 48 h. un tel ressenti peut-il s’installer durablement ? Je pose la question à Christel qui me donne le contact de deux pratiquantes régulières de la méthode.

La première me confie sa difficulté à ressentir son corps, son impuissance et sa colère il y a quelques années lorsqu’elle a débuté les séances collectives. Un sentiment d’échec qui ne l’a pas tout à fait dissuadée, puisque souffrant de douleurs dorsales chroniques en raison d’une maladie auto-immune, elle s’est finalement décidée récemment à recevoir des séances individuelles. « Là, ça me convient. Les séances améliorent mes douleurs... Entre une heure et deux ou trois jours. Le relationnel me fait du bien au moral. Je comprends qu’il s’agit de refaire des connexions cérébrales. Je suis séduite par la démarche, mais j’ai peu de bénéfice ». Un retour en demi-teinte, donc. 

Nouvelles potentialités

Je m’entretiens alors avec Nathalie, une autre pratiquante régulière, uniquement en collectif. 

Pour elle, la découverte de la méthode Feldenkrais fut une véritable révélation. « Absolument phénoménal !

Ça apporte de la joie en redonnant une simplicité aux mouvements et aux actions. Ça permet de mieux fonctionner, tout simplement. C’est flagrant quand je fais de la randonnée. J’ai une capacité de mouvement que je n’avais pas. »

En pratiquant régulièrement, Nathalie a vu de nouvelles potentialités s’inscrire dans son corps. « Quand je marche en montagne, mes côtes s’écartent librement et ma tête tracte mon corps en avant, comme si j’étais plus légère. » Résultat : moins d’effort et plus d’endurance. Peu à peu, Nathalie dit aussi avoir gagné une plus grande mobilité articulaire dans ses hanches et remarqué une résonance de cette fluidité dans d’autres sphères de la vie.

« Au quotidien, j’arrive à faire un geste un peu compliqué comme chercher un objet sous un meuble plus facilement. Et puis je trouve de nouvelles solutions, autant intellectuellement que physiquement. Au même titre que les habitudes corporelles, les fonctionnements cognitifs peuvent changer, dans le sens d’une plus grande agilité. »

Voilà qui est enthousiasmant. Mais le contraste entre ces deux témoignages m’interroge. Mon premier témoin appréhendait la réalité par le filtre de l’intellect et éprouvait des difficultés à sentir son corps. Nathalie semble au contraire particulièrement connectée à ses sensations. Je la questionne à ce sujet. Elle m’apprend que ses parents l’ont laissée explorer son propre corps à sa guise. « Le bébé explore les mouvements en les répétant », m’explique-t-elle. « Or beaucoup de parents interviennent en disant : “Arrête de gigoter, ça m’agace !” Moi, on m’a laissé explorer mon corps à ma guise. Je n’ai pas été contrainte de ce côté-là. Aussi, je me connais par cœur, de manière empirique. C’est pour ça que je n’ai pas de médecin et me soigne par moi-même. Avec la méthode Feldenkrais, j’ai renoué avec le petit enfant explorateur de lui-même que j’ai été. »

Renouer avec l’enfant qui découvre son corps... Ce détail me fait penser à un aspect de la vie de Moshé Feldenkrais. Sa femme était pédiatre. Sous son influence, il a découvert le processus que mettent en œuvre les enfants pour apprendre à se mouvoir et s’en est inspiré pour l’accompagnement des adultes.

En somme, la méthode Feldenkrais n’est pas tout à fait une thérapie, mais plutôt une école de l’ergonomie du mouvement. Et comme dans toutes les écoles, chacun vient avec des acquis différents. Pour les uns, la connexion avec les sensations en mouvement est spontanée, intuitive et heureuse. Pour d’autres, elle reste à acquérir. C’est aussi pour cela que cette approche intéresse des profils variés, allant de la personne handicapée au sportif de haut niveau.

Que ce soit pour retrouver la mobilité d’une articulation lésée, parfaire un swing de golf ou gagner en fluidité dans une pratique d’aïkido, les ressorts sont les mêmes.

Selon le site Internet de Feldenkrais France, il s’agit de « découvrirp ar l’expérience a quel point des aspects de soi que l’on croyait immuables sont au contraire très flexibles. [...] Nos limitations dans l’ampleur ou la fluidité d’un mouvement ne proviennent pas toujours de limites mécaniques au niveau des articulations. Nos limitations dans le mouvement proviennent souvent de la façon dont le système nerveux central organise le mouvement, en utilisant la plupart du temps des schémas habituels acquis. »

Sortir des schémas, apprendre de nouvelles potentialités sont des capacités du système nerveux central qu’a exploité Feldenkrais à une époque où l’on pensait que ce dernier achevait définitivement de progresser au début de l’âge adulte. Les récentes découvertes des neurosciences lui ont donné raison.

Emmanuel Duquoc